Décret n° 2021-685 du 28 mai 2021 relatif au pharmacien correspondant
Douze années que les pharmaciens l’attendaient : le décret relatif au pharmacien correspondant, daté du 28 mai 2021, est enfin paru au journal officiel du 30 mai 2021.
Cette notion de pharmacien correspondant est apparue pour la première fois à l’article 38 de la loi du 21 juillet 2009, dite « HPST », qui prévoyait que les pharmaciens d’officine pouvaient, dans le cadre des coopérations prévues à l’article L. 4011-1 du Code de la santé publique, être désignés comme correspondant au sein de l’équipe de soins par le patient. Cependant, faute de décret d’application, cette création était restée lettre morte. Désormais, avec le décret du 28 mai 2021, les patients et professionnels de santé pourront s’en emparer. Le patient pourra donc désigner auprès de l’assurance maladie un pharmacien correspondant.
Cette transformation du rôle du pharmacien en qualité de professionnel de santé et de « spécialiste du médicament », s’inscrit dans la droite ligne de la loi du 21 juillet 2009, de la convention pharmaceutique de 2012, et, plus récemment de la loi du 24 juillet 2019, plus connue sous le nom de loi « Ma Santé 2022 ».
La mise en mouvement du pharmacien correspondant participe en effet de l’un des objectifs phares de cette dernière loi : faire de l’exercice coordonné la clé de voûte de la prise en charge des patients.
Il reste à savoir quels sont les professionnels concernés, et quel est exactement le rôle du pharmacien correspondant.
Quels sont les professionnels de santé concernés ?
Le décret prévoit qu’il puisse s’agir d’un pharmacien titulaire d’officine, ou du gérant d’une pharmacie mutualiste ou de secours minière. Le titulaire de l’officine peut être suppléé dans cette fonction, avec accord du patient, par un pharmacien exerçant dans une même officine (un pharmacien adjoint).
Cependant, tous les pharmaciens précités ne pourront pas, en pratique, être désignés pharmaciens correspondants. En effet, le pharmacien correspondant doit participer au même exercice coordonné que le médecin traitant du patient.
Quels sont les « exercices coordonnés » visés par le décret ?
Le décret précise qu’il s’agit des exercices coordonnés « au sein des dispositifs mentionnés aux articles L. 1411-11, L. 1434-12, L. 6323-1-10 et L. 6323-3 ».
Concrètement, cela vise :
● Les équipes de soins primaires, c’est-à-dire les ensembles de professionnels de santé constitués autour de médecins généralistes de premier recours,
● Les centres de santé, où les professionnels de santé sont salariés,
● Les maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP), regroupement de professionnels de santé qui assurent des activités de soins sans hébergement s’organisant autour d’une patientèle,
● Vraisemblablement également, les « ESP CLAP », Equipes de Soins Primaires Coordonnées Localement Autour du Patient, expérimentées dans les Pays de la Loire, où chaque professionnel reste dans son cabinet et où l’accompagnement est assuré par l’association portée par des professionnels de santé libéraux,
● Les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), regroupant des professionnels de santé (le cas échéant organisés sous la forme d’une ou plusieurs équipes de soins primaires), d’acteurs assurant des soins de premier ou deuxième recours et des acteurs médico-sociaux et sociaux ; et construites autour d’un territoire.
On peut regretter, comme c’est le cas des syndicats de pharmaciens et notamment l’USPO, que le dispositif n’ait pas été étendu davantage.
Il aurait en effet été possible d’inclure dans le décret la possibilité, pour le patient, de choisir son propre pharmacien correspondant, comme il choisit son médecin traitant, et que ces deux professionnels de santé soient coordonnés « autour du patient », indépendamment de leur mode d’exercice ou de leur participation à une structure juridique type MSP, centre de santé ou CPTS.
Quel est le rôle du pharmacien correspondant ?
Le pharmacien correspondant peut :
● « Renouveler périodiquement des traitements chroniques »,
● « Ajuster si besoin, leur posologie », moyennant le respect d’un protocole d’information du médecin. C’est le projet de santé du dispositif coordonné qui définit les modalités d’information du médecin.
Ce rôle de renouvellement ou d’ajustement du traitement est toutefois subordonné à une condition substantielle, et qui pourrait réduire à néant les effets de cette création : la prescription médicale devra comporter une mention autorisant le renouvellement ou l’ajustement de la posologie par le pharmacien correspondant.
Certains syndicats de médecins se sont élevés contre ce décret, estimant que ces missions devaient être réalisées par les médecins. Toutefois, il est probable que face aux difficultés d’un patient chronique, les médecins fassent le choix de la collaboration avec les pharmaciens, dans un objectif de prise en charge optimisée de ces pathologies.
Le médecin conserve d’ailleurs un rôle fondamental puisqu’il est associé aux adaptations de posologie, et que la durée totale de la prescription et de l’ensemble des renouvellements réalisés par le pharmacien correspondant ne pourra pas excéder douze mois. Le médecin peut aussi décider d’ouvrir cette faculté d’adaptation ou de renouvellement à une partie seulement de l’ordonnance. Un arrêté du ministère de la santé pourra également fixer une liste des traitements non éligibles.
Enfin, ces données seront intégrées dans le dossier pharmaceutique et le dossier médical partagé.
Le médecin pourra donc se concentrer sur ses missions de diagnostic et de mise en œuvre de protocoles de soins, le renouvellement de traitements médicamenteux ou leur adaptation étant confiés, sous son contrôle, au spécialiste du médicament.
Comment choisir un pharmacien correspondant ?
Lors de la parution du décret, il a été précisé que le choix du pharmacien correspondant aurait lieu au moyen d’un CERFA rempli par le patient, et transmis à l’Assurance Maladie. Une dématérialisation pourrait intervenir prochainement.
Quel impact pour le pharmacien ?
Les syndicats invitent les pharmaciens à accepter une désignation en qualité de correspondant, puisque cela participe des nouvelles missions, tout comme les missions de vaccination ou d’orientation diagnostic pour les soins non programmés (ex : les TROD angine).
Cependant, le développement de celles-ci nécessite souvent un investissement de la part des pharmaciens, puisqu’ils doivent disposer de locaux adaptés à ces missions. C’est également le cas pour le pharmacien correspondant, puisque le décret précise que le pharmacien doit disposer de locaux avec une isolation phonique et visuelle permettant un accueil individualisé des patients, tout comme en établissement médico-social. Cela pourrait inciter certaines officines à envisager un transfert.
L’instauration du pharmacien correspondant est révélatrice de l’importance donnée par les pouvoirs publics à la constitution de structures d’exercice coordonné (notamment les maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP) et les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS)).
De l’avis des syndicats de professionnels de santé, le médecin traitant et le pharmacien correspondant pourraient ainsi être prochainement rejoints par les infirmiers référents.