Propos généraux et applications pratiques aux pharmaciens d’officine
La société de participations financières de professions libérales est la société holding des professions réglementées. Créée par la loi dite « MURCEF » du 11 décembre 2001, elle a permis aux professionnels libéraux exerçant une activité réglementée de disposer d’un formidable outil de reprise et transmission d’entreprise, mais également d’investissement.
Quels sont les avantages des SPFPL ?
Pharmaciens d’officine, dans quels cas constituer une SPFPL ?
On vous explique.
I. Propos généraux
La réglementation générale relative aux sociétés de participations figure aux articles 31-1 et suivants de la loi n°90-1258 du 31 décembre 1990. Cette réglementation est commune à toutes les SPFPL, quelle que soit la profession réglementée concernée. Toutefois, ces dispositions générales se trouvent aménagées par les nombreux décrets d’application adoptés pour chaque profession.
Quelle forme sociale?
La SPFPL est une société holding, qui emprunte une forme sociale de société commerciale. Une SPFPL peut ainsi prendre la forme d’une société à responsabilité limitée (SARL), d’une société par actions simplifiée (SAS), une société anonyme (SA) ou une société en commandite par actions (SCA).
Jusqu’à la loi « PACTE » (loi n°2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises), et ses décrets d’application, le choix était généralement porté sur la société à responsabilité limitée (SARL), du fait de l’obligation de nommer un commissaire aux comptes lorsqu’une société par actions simplifiée contrôlait ou était contrôlée par une autre société.
Désormais, il est généralement opté pour la société par actions simplifiée, qui présente un avantage non négligeable en ce qui concerne le régime social des dividendes versés aux personnes physiques. En effet, lorsqu’une société par actions simplifiée verse des dividendes à son ou ses associés personnes physiques, ces dividendes bénéficient du régime de la flat tax au taux de 30 %, incluant l’impôt sur le revenu au taux de 12,8 %, et les prélèvements sociaux au taux de 17,2 %.
Lorsque les dividendes sont versés par une SARL (ou EURL, entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée soumise à l’impôt sur les sociétés), l’impôt sur le revenu est toujours au taux de 12,8 %, mais les cotisations sociales sont, pour la part de dividendes versées au gérant majoritaire supérieure à un certain seuil, celles du régime des indépendants.
Quels associés?
La SPFPL peut être unipersonnelle (sauf pour les SA ou les SCA), ou pluripersonnelle. Dans ce dernier cas, elle regroupe des professionnels réglementés exerçant la même profession. Par exception, elle peut regrouper des professionnels de plusieurs professions dans le domaine juridique et judiciaire.
Sauf particularité liée à certaines professions, plus de la moitié du capital et des droits de vote doit être détenue par des personnes exerçant la profession exercée par les sociétés faisant l’objet d’une prise de participations. Le solde peut être détenu par des anciens associés qui ont cessé toute activité professionnelle (pendant 10 ans) ou les ayants droits des anciens associés (pendant 5 ans suivant le décès).
Quel objet social?
Initialement, l’objet social des SPFPL était limité à la prise de participations dans une ou plusieurs sociétés d’exercice libéral. Aujourd’hui, l’objet est principalement la détention des parts ou d’actions de sociétés exerçant la profession réglementée considérée, ainsi que toute autre activité sous réserve d’être destinée exclusivement aux sociétés ou aux groupements dont elles détiennent des participations.
Concrètement, cela ouvre la possibilité pour une SPFPL de prendre une participation au capital d’une société civile immobilière constituée pour l’acquisition des locaux où l’activité de la société d’exercice libéral est exploitée.
Quels avantages?
- Pour l’acquisition de parts ou d’actions d’une société soumise à l’impôt sur les sociétés
Si un professionnel souhaite acquérir les parts sociales ou actions d’une société soumise à l’impôt sur les sociétés, qu’il ne recourt pas à la SPFPL et qu’il ne dispose pas de la trésorerie nécessaire à cette acquisition, il doit contracter un prêt personnel. L’acheteur est alors limité dans la possibilité de déduire les intérêts de l’emprunt lié à l’investissement, et ne peut déduire ni les frais, ni les droits d’enregistrement.
De plus, le prêt est remboursé soit au moyen de la rémunération de l’associé également dirigeant (rémunération qui fait l’objet de l’impôt sur le revenu, et des cotisations et contributions sociales), soit au moyen des dividendes issus de l’exploitation, également soumis à la fiscalité et aux cotisations et contributions sociales (30 % du montant distribué a minima).
En recourant à la SPFPL, les distributions de dividendes destinées au remboursement de l’emprunt disposent d’un avantage fiscal favorable. La capacité de remboursement est donc préservée.
En effet, sous réserve que la SPFPL détienne au moins 5 % du capital de la société d’exercice libéral et que les titres soient conservés deux ans, les dividendes peuvent bénéficier du régime des sociétés mères et filiales prévu aux articles 145 et 216 du Code général des impôts. Ce régime consiste à exonérer les dividendes reçus par la holding SPFPL, moyennant la réintégration d’une quote-part de frais et charges de 5 % du montant distribué taxée au taux de l’impôt sur les sociétés.
Concrètement :
● En cas de distribution à une personne physique, pour 100 Euros distribués, l’associé ne dispose plus que de 70 à réinvestir ou à affecter au remboursement du prêt.
● En cas de distribution à une société holding (dont une SPFPL), pour 100 Euros de distribués, l’associée personne morale dispose d’entre 98,6 et 99,25 Euros à réinvestir ou à affecter au remboursement du prêt.
Si la SPFPL détient plus de 95 % du capital de la SEL, le recours à l’intégration fiscale (avec une imposition au niveau du groupe) est possible.
Lorsque le prêt est remboursé, ou que les dividendes sont plus importants que le montant des annuités, le solde peut être réinvesti. Compte tenu de l’objet social autorisé par la loi, les principaux réinvestissements consistent à prendre des participations dans d’autres SEL exerçant la même profession (voir ci-dessous), ou dans une société civile immobilière qui achètera les locaux d’exploitation de la SEL. Ce dernier montage permet d’optimiser encore la fiscalité de la société holding, puisque si la SCI translucide (article 8 du Code général des impôts) est placée sous la holding, le bien immobilier fera l’objet d’un amortissement.
- Dans une perspective de cession de titres, éventuellement suivie d’un rachat d’autres droits sociaux
Si une personne physique cède ses titres d’une société soumise à l’impôt sur les sociétés, la plus-value fait l’objet d’une imposition au titre de la flat tax, au taux de 30 % (sauf cas particuliers). Cela diminue d’autant les fonds disponibles pour une nouvelle acquisition.
Si le cédant a un projet de réinvestissement du prix de vente des droits sociaux de sa société d’exercice libéral, il peut être pertinent pour lui d’apporter ses titres au capital d’une SPFPL.
La plus-value constatée lors de l’apport est calculée et déclarée, mais l’apporteur personne physique n’est pas immédiatement taxé : il bénéficie du report d’imposition (article 150 0 B ter du Code général des impôts).
Si la SPFPL cède les titres de la SEL plus de trois ans après l’apport, le report d’imposition n’est pas remis en cause. La plus-value de cession effectuée par la société holding est alors calculée sur la différence entre le prix de cession et la valeur d’apport (ce qui permet en réalité de « gommer » la fiscalité sur la plus-value initiale, comprise généralement entre le montant du capital initial de la SEL créée et sa valeur au jour de l’apport). La plus-value constatée au niveau de la SPFPL bénéficie d’une imposition au taux de 0 %, moyennant la réintégration d’une quote-part de frais et charges de 12 % taxable au taux de l’impôt sur les sociétés (soit une taxation effective au taux compris entre 3 et 4%, article 219 du Code général des impôts).
Si les titres de la SEL sont cédés par la SPFPL avant ce délai de trois ans, le report d’imposition prend en principe fin, sauf si la SPFPL s’engage à réinvestir dans un délai de deux ans à compter de la cession, au moins 60 % du prix de vente dans une activité économique. Concrètement, il sera donc recouru à ce montage dans les cas où un professionnel souhaite céder sa structure d’exercice, en prenant peu après une participation au capital d’une autre structure.
- Pour créer un lien juridique entre structures d’un même groupe
Enfin, la constitution d’une SPFPL permet de créer des liens entre différentes sociétés d’un même groupe. Il peut être conféré à la SPFPL un rôle de « pilotage » du groupe de sociétés, qui peut se matérialiser en cas de besoin par la mise en place de services dédiés à toutes les sociétés du même groupe.
Des conventions de prestations de services de la holding au profit des filiales peuvent être établies. Attention toutefois : ces conventions sont difficiles à justifier d’un point de vue fiscal si la SPFPL ne possède une participation que dans une seule SEL. Mais elles peuvent s’envisager si la holding détient des participations dans 2 ou 3 SEL avec mutualisation de services (achats, comptabilité, administratifs).
Enfin, peuvent être mises en place des conventions de trésorerie entre la SPFPL et d’autres sociétés dont le contrôle est détenu par les mêmes personnes physiques que cette société holding.
II. Applications concrètes pour les pharmaciens d’officine
Le décret d’application des SPFPL pour les pharmacies d’officine date du 4 juin 2013 (décret n°2013-466 du 4 juin 2013 relatif aux conditions d’exploitation d’une officine de pharmacie par une société d’exercice libéral et aux sociétés de participations financières de profession libérale de pharmaciens d’officine).
Pharmaciens d’officine, vous vous demandez quand créer une SPFPL ?
Voici quelques hypothèses où le recours à cette structure comporte une véritable plus-value.
- En cas de projet de rachat de droits sociaux (parts sociales ou actions) d’une société existante exploitant une officine de pharmacie
Lorsque vous achetez une pharmacie, vous pouvez opter pour l’acquisition d’un fonds d’officine de pharmacie (fonds de commerce) ou, hors le cas où le vendeur exerce en son nom personnel (entreprise individuelle), pour l’acquisition des parts sociales ou actions de la société propriétaire du fonds d’officine.
L’arbitrage entre le rachat du fonds ou le rachat des droits sociaux se fera au regard de plusieurs critères, dont :
● Le projet du vendeur, si la pharmacie est exploitée en société. Si le vendeur veut percevoir le prix à titre personnel et exerce en société, la cession du fonds par la société suivie d’une distribution de dividendes et/ou d’une dissolution-liquidation de la société entraînera une double taxation, lors de la vente du fonds et lors de la distribution.
● Le prix de vente. En cas de cession du fonds de commerce, les droits d’enregistrement (à la charge de l’acquéreur) sont de 0 % jusqu’à 23.000 €, 3 % entre 23.001 et 200.000 €, 5 % au-delà. En cas d’acquisition de titres, le taux oscille entre 3 % (acquisition de parts) et 0,1 % du prix de vente (acquisition d’actions, de SELAS notamment).
● L’existence d’un emprunt sur la société.
● Le nombre de salariés et de contrats à transférer…
Si vous achetez les droits sociaux de la société (parts ou actions), la constitution d’une SPFPL présente de nombreux avantages en cas de recours à l’emprunt (voir ci-dessus).
Attention toutefois : les SPFPL ne peuvent prendre une participation au capital que d’une société d’exercice libéral. Si la pharmacie est exploitée sous forme de société en nom collectif (SNC) ou de société à responsabilité limitée (SARL), il faudra procéder à une transformation préalable de la structure.
Si ce n’est pas possible, ou pas souhaitable, et que la société existante (notamment la SARL) n’est pas ou peu endettée, le cédant pourra vendre une partie de ses titres directement à l’acquéreur, qui les paiera au moyen de son apport, et le solde sera racheté par la société qui annulera les parts sociales et réduira son capital.
A noter que chacun des pharmaciens titulaires au sein de la SEL devra détenir une part ou action à titre personnel. Ils devront être majoritaires directement ou indirectement dans la SEL (en détenant la majorité dans la SPFPL).
- En cas de projet de prise de participation dans d’autres SEL (prises de participations croisées – financement d’une installation d’un jeune confrère)
Une SPFPL de pharmacien d’officine peut détenir des participations dans trois sociétés d’exercice libéral de pharmaciens d’officine.
Ainsi, une SPFPL peut permettre à un pharmacien de financer l’installation d’un jeune confrère sans recourir à l’emprunt, en prenant une participation jusqu’à 49,9 % du capital, ou d’envisager une prise de participation croisée avec d’autres pharmaciens concurrents afin de mieux couvrir une zone géographique donnée.
Il sera alors recouru au montage suivant. Si la SPFPL existe, et que les dividendes distribués par la SEL où le pharmacien est titulaire excèdent le montant des annuités d’emprunt, l’excédent sera investi au capital de la SEL nouvellement constituée, avec éventuellement un apport complémentaire en compte courant d’associé.
Si la SPFPL n’existe pas, le pharmacien titulaire de la SEL pourra également apporter la totalité de ses titres (sauf un) au capital d’une SPFPL. Les dividendes reçus par la SPFPL permettront l’investissement dans l’autre SEL.
- En cas de projet d’achat des locaux et/ou de transfert dans des locaux appartenant au pharmacien
Comme évoqué ci-dessus, la SPFPL peut exercer toute activité, sous réserve d’être destinée exclusivement aux sociétés ou aux groupements dont elles détiennent des participations. Ainsi, la SPFPL peut acquérir des biens immobiliers, si ceux-ci sont destinés à accueillir l’exploitation de la SEL.
Il peut s’agir des locaux actuels de la pharmacie, ou de nouveaux locaux dans le cadre d’un transfert.
L’acquisition se fera généralement au moyen d’une société civile immobilière (SCI) constituée pour l’acquisition des biens. Le capital de cette société sera détenu à 99,9 % par la SPFPL, et à 0,1 % par le pharmacien titulaire. Opter pour le régime de la translucidité fiscale de la SCI permettra également de diminuer le bénéfice imposable de la SPFPL.
- En cas de projet de changement d’officine
Si un titulaire exploite une officine en SEL et souhaite la vendre pour en acheter une autre (notamment dans une perspective de se rapprocher de son domicile), la constitution d’une SPFPL à laquelle les titres de la première SEL sont apportés est une excellente solution. Après apport, la SPFPL cède les titres à l’acquéreur. Elle remploie ensuite le prix de vente pour l’acquisition des titres de l’autre SEL. Ce montage permet d’optimiser la capacité de réinvestissement en limitant le coût fiscal de l’opération.
- En cas de projet de vente à moyen terme avec projet de réinvestissement
Si le pharmacien envisage de céder sa participation à moyen terme (plus de 3 ans), et que son officine actuelle a pris de la valeur, ce qui conduira à opter pour une cession des droits sociaux, les titres de la SEL peuvent être apportés à la SPFPL. Une fois les titres cédés, la SPFPL pourra être transformée en SEL s’il est envisagé l’acquisition d’un fonds d’officine. Elle pourra également être transformée en société commerciale classique pour devenir une société holding patrimoniale. Elle pourra également, le cas échéant, acquérir directement de l’immobilier (ex : location meublée). L’apport des titres avant cession aura permis de limiter l’imposition de la plus-value.
- En cas de projet d’association d’adjoints
Les pharmaciens adjoints peuvent désormais détenir, directement ou par une SPFPL qu’ils contrôlent jusqu’à 10 % du capital de la SEL qui exploite l’officine (article L. 5125-17-1 du Code de la santé publique). Le(s) adjoint(s) pourra(ont) constituer une SPFPL qui soit souscrira à une augmentation de capital de la SEL (le cas échéant à un prix préférentiel), soit acquerra une fraction du capital de la SEL. Les dividendes cumulés peuvent constituer l’apport de la SPFPL pour contracter un prêt permettent d’acquérir le solde des parts, par exemple dans une perspective de départ en retraite du titulaire.
Comment constituer une SPFPL de pharmacien d’officine ?
Les statuts sont élaborés sous la condition suspensive de l’inscription de la SPFPL au tableau de la Section A de l’ordre des pharmaciens.
Le capital social est ensuite déposé en banque.
Les statuts sont signés.
Le conseil du pharmacien (avocat ou notaire généralement) dépose le dossier d’immatriculation de la SPFPL au Greffe. A noter la dispense de publicité dans un journal d’annonces légales et au BODACC (article R. 5125-24-5 du Code de la santé publique).
Enfin, le conseil dépose le dossier au Conseil régional de l’ordre des pharmaciens, avec les documents constitutifs, l’attestation de dépôt au greffe, la liste des associés et une note d’information sur les participations.
Une fois le certificat d’inscription obtenu, la constitution de la SPFPL sans activité peut être achevée, ce qui permet d’obtenir le numéro RCS et le cas échéant de débloquer les fonds des prêts.
Enfin, après l’acquisition des titres, il est procédé à la mise en activité de la société.