Morceaux choisis de la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022
Chaque fin d’année s’accompagne de l’adoption d’une loi de finances pour l’année à venir, comprenant diverses mesures de nature fiscale. La loi de finances pour 2022 n’apporte pas de modification substantielle à l’ordonnancement juridique en matière fiscale, ce qui est logique à la veille d’une échéance présidentielle.
Toutefois, un certain nombre de mesures sont susceptibles d’impacter la fiscalité des très petites, et petites et moyennes entreprises (TPE-PME) et celle de leurs dirigeants.
Quelques morceaux choisis de la loi de finances pour 2022.
1. L’amortissement du fonds commercial
Lorsqu’un entrepreneur ou une société fait l’acquisition d’un fonds de commerce, le prix d’acquisition est ventilé entre les éléments corporels (le matériel, l’outillage et les agencements) et les éléments incorporels, composés de la clientèle, de l’achalandage, de l’enseigne et du nom commercial, et du droit au bail essentiellement.
Les éléments sont ensuite répartis entre les différents comptes figurant à l’actif du bilan. Ce qui ne relève d’aucun compte particulier est inscrit sur une ligne « fonds commercial ».
Les éléments corporels et certains éléments incorporels (comme les logiciels) peuvent faire l’objet d’un amortissement en fonction de leur durée d’utilisation prévisible. Cet amortissement constitue une charge au titre de l’exercice considéré, et donc diminue le résultat imposable.
D’un point de vue comptable, il est considéré que le fonds commercial a une durée d’utilisation illimitée, et n’est donc pas amortissable. Si en revanche, en raison d’un événement déterminé, sa valeur est inférieure à la valeur nette comptable, il peut faire l’objet d’une provision pour dépréciation.
Par exception, si le fonds de commerce a une durée prévisible d’exploitation, il pouvait être amorti comptablement. Les petites entreprises ne dépassant pas deux des trois seuils de 6 millions de total de bilan, 12 millions de chiffre d’affaires et 50 salariés pouvaient également amortir sur option le fonds commercial acquis sur une durée forfaitaire de 10 ans.
Cet amortissement n’était, sauf exception, toutefois pas déductible fiscalement, ce qui voulait dire que la dotation aux amortissements n’avait pas d’impact sur le résultat imposable, donc sur le montant de l’impôt. Le Conseil d’Etat avait relevé dans un avis du 8 septembre 2021 cette divergence entre la règle comptable et la règle fiscale.
L’article 23 de la loi de finances pour 2022 précise que, par principe, le fonds commercial n’est amortissable. Mais il introduit une exception ayant un impact concret et immédiat pour les TPE-PME. Les petites entreprises faisant l’acquisition d’un fonds de commerce entre le 1er janvier 2022 et 31 décembre 2025 pourront déduire les amortissements comptables sur le fonds commercial, ce qui aura pour effet de réduire le résultat imposable et donc le montant de l’impôt. Cela ne concerne pas les fonds de commerce créés.
Cela concerne tant les sociétés à l’impôt sur les sociétés que les entreprises à l’impôt sur le revenu au régime réel dont les résultats relèvent des BIC et qui doivent respecter le plan comptable général.
2. L’extension des dispositifs d’exonération des plus-values de cession d’entreprise
Divers systèmes d’exonération de plus-values coexistent en droit positif afin de favoriser les transmissions d’entreprise. Parmi eux, certains ont subi une extension aux termes de la loi de finances pour 2022.
• Plus-values de cession d’entreprises individuelles ou de branches complètes d’activité
L’article 238 quindecies du Code général des impôts exonère de plus-values les cessions d’entreprises individuelles, ou la cession par une société d’une branche complète d’activité si la société est une PME européenne, dès lors que l’activité a été exonérée pendant au moins 5 ans. Cette exonération de plus-value est totale ou partielle en fonction du montant du prix de vente.
Il en est de même de la cession de l’intégralité des parts sociales d’une société soumise à l’impôt sur le revenu, par un associé exerçant son activité professionnelle dans la structure.
Cette exonération était totale si le prix de cession était inférieur à 300.000 €, et partielle s’il était compris entre 300.000 € et 500.000 €. Ces seuils sont relevés à 500.000 € pour l’exonération de la totalité de la plus-value, et 1.000.000 € pour une exonération partielle.
• Cessions d’entreprises en location-gérance
Concernant les entreprises faisant l’objet d’un contrat de location-gérance, le cédant pouvait bénéficier de cette exonération de plus-value ou celle prévue pour le départ en retraite si l’activité était exercée depuis au moins 5 ans lors de la mise en location et que la cession intervenait au profit du locataire. La loi de finances pour 2022 assouplit le dispositif en permettant une cession à une autre personne que le locataire-gérant. Se pose la question de savoir si l’acquéreur du fonds devra l’exploiter lui-même, ou s’il pourra également le donner en location-gérance.
• Exonérations de plus-values liées au départ en retraite du cédant
L’article 151 septies A du Code général des impôts exonère également les plus-values constatées dans les cas de cessions d’entreprises individuelles, de la totalité des parts sociales d’une société soumise à l’impôt sur le revenu dans lequel le cédant exerce son activité professionnelle, ou la cession de l’activité de cette même société ; si elle intervient dans un contexte de départ à la retraite du cédant.
Cette exonération concerne les PME européennes, sous les conditions suivantes :
• L’activité doit avoir été exercée pendant au moins 5 ans,
• Le cédant ne contrôle pas l’entreprise cessionnaire,
• Le cédant cesse toute fonction dans l’entreprise individuelle cédée,
• Le cédant fait valoir ses droits à la retraite dans un délai de 24 mois (2 ans) consécutifs ou précédant la cession.
Par dérogation à cette durée, l’article 19 de la loi de finances pour 2022 précise que pour les cédants ayant fait valoir leurs droits à la retraite entre le 1er janvier 2019 et le 31 décembre 2021 avant la cession, le délai pour céder est porté à trois années. L’objectif est de tenir compte des difficultés à trouver des acquéreurs dans le contexte de la pandémie de COVID-19.
L’extension du délai à trois années concerne également l’exonération résultant de l’article 150-0 D ter du Code général des impôts, qui permet aux cédants de parts ou d’actions d’une société soumise à l’impôt sur les sociétés de bénéficier d’un abattement fixe de 500.000 Euros.
3. Mesures concernant les travailleurs indépendants
Différentes mesures d’assouplissement ou de nouvelles options ont été édictées en faveur des travailleurs indépendants (entrepreneurs individuels).
Pour mémoire, au mois de septembre 2021 a été annoncée la création d’un statut unique de l’entrepreneur individuel, et donc la suppression du régime de l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée (EIRL), lequel pouvait opter pour le régime de l’impôt sur les sociétés. Afin d’anticiper cette suppression, la loi de finances pour 2022 autorise l’ensemble des entrepreneurs individuels à opter pour l’impôt sur les sociétés, dès lors qu’ils ne bénéficient pas du régime « micro ».
L’entrepreneur individuel soumis quant à lui à l’impôt sur le revenu des personnes physiques peut relever de deux régimes d’imposition distinct : le régime micro, auquel les entrepreneurs sont éligibles s’ils ne dépassent pas un certain seuil de chiffre d’affaires, et qui consiste à appliquer un abattement sur le montant du chiffre d’affaires réputé comprendre toutes leurs charges ; et le régime réel. La loi de finances pour 2022 allonge le délai d’option ou de renonciation à l’option pour le micro ou le réel : pour un exercice clos le 31 décembre 2021, l’option pourra être exercée jusqu’au jour du dépôt de la déclaration afférente à la période d’imposition (mai/juin 2022).
4. Mesures favorisant la recherche et l’innovation
Un certain nombre de mesures de la loi de finances pour 2022 visent à soutenir la recherche et l’innovation.
La première mesure concerne le statut des JEI (« jeunes entreprises innovantes »), qui permet à de nouvelles entreprises de bénéficier d’une exonération d’impôt sur les sociétés ou d’impôt sur le revenu, voire d’impôts directs locaux sur les premiers exercices bénéficiaires, ainsi que d’une exonération de cotisations sociales patronales pendant les 8 premières années. L’article 11 de la loi de finances pour 2022 prolonge la durée de ce statut avantageux. Une entreprise pourra donc bénéficier de ce dispositif si elle a été créée il y a moins de 11 ans.
Le crédit d’impôt innovation est également modifié. Son taux passe notamment de 20 % à 30 % des dépenses éligibles à partir du 1er janvier 2023. La durée de ce crédit d’impôt est également prorogée jusqu’au 31 décembre 2024 (article 83 de la loi de finances).
Enfin l’article 69 de la loi de finances crée un nouveau crédit d’impôt : le « crédit d’impôt pour la recherche collaborative ». Concrètement, il a vocation à s’appliquer aux entreprises qui exposent des dépenses de recherche et développement, ces missions de R & D étant réalisées par d’autres organismes et notamment des organismes publics ou assimilés.
5. Modification de la règle de déductibilité des acomptes en matière de TVA
Pour les livraisons de biens (ventes), le fait générateur et l’exigibilité de la TVA intervenaient lors de la réalisation de l’opération. Si des acomptes étaient versés, la TVA n’était pas immédiatement exigible, et réciproquement, la TVA versée par le client lors de l’acompte n’était pas déductible.
La Cour administrative de Nantes, dans un arrêt du 28 mai 2021, avait considéré que cette solution n’était pas conforme à la directive TVA (droit européen).
L’article 30 de la loi de finances pour 2022 tient compte de cette non-conformité : le client qui verse un acompte incluant de la TVA peut déduire cette TVA dès la réception de l’acompte. Réciproquement, le vendeur collecte de la TVA plus tôt.